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PEN America dénonce la censure des livres aux États-Unis, qualifiant cette situation de « tragique pour les jeunes ». Quatre jours avant les élections américaines de 2024, l’organisation signale une augmentation de 200 % des interdictions de livres au cours de l’année écoulée.
Un constat alarmant
Le rapport de PEN America, intitulé Banned in the USA: Beyond the Shelves, présente un tableau dévastateur du marché du livre américain face à une censure croissante, souvent motivée par des enjeux de race et de sexualité. Publié le 1er novembre, ce rapport intervient à un moment où les divisions culturelles sont au cœur des préoccupations politiques.
Selon les conclusions principales de l’étude, on observe :
- Un nombre record de 10 046 interdictions de livres dans les écoles publiques au cours de l’année scolaire précédente.
- Une hausse de 200 % des interdictions par rapport à l’année précédente.
- Les États de Floride et de l’Iowa enregistrent le plus grand nombre d’interdictions, avec plus de 4 500 en Floride et plus de 3 600 en Iowa, en raison de lois censurant les livres dans les écoles publiques.
- 4 231 titres uniques visés par ces interdictions.
- 2 877 auteurs, illustrateurs et traducteurs affectés.
- Le livre le plus souvent interdit : Nineteen Minutes de Jodi Picoult.
Réactions d’auteurs et d’experts
Depuis 2021, la série de rapports Banned in America a comptabilisé près de 16 000 interdictions de livres dans les écoles publiques. Une analyse des 1 091 livres interdits dans deux ou plusieurs districts scolaires montre que 44 % de ces ouvrages mettent en scène des personnages de couleur et 39 % des personnages LGBTQ+.
Jodi Picoult, dont le livre Nineteen Minutes est le plus interdit, a déclaré dans le rapport :
« Avoir le livre le plus interdit du pays n’est pas un signe d’honneur, c’est un appel à l’alarme. Nineteen Minutes est banni non pas parce qu’il traite d’une fusillade scolaire, mais en raison d’une seule page qui décrit un viol date et utilise des termes anatomiquement corrects pour le corps humain. »
Elle affirme que son livre, ainsi que les 10 000 autres retirés des bibliothèques scolaires cette année, offre aux jeunes des outils pour faire face à un monde de plus en plus divisé et difficile.
Des thèmes de plus en plus censurés
Le rapport souligne également que les livres qui abordent des sujets auxquels les jeunes sont confrontés dans la réalité, tels que l’abus de substances, le suicide, la dépression, et la violence sexuelle, sont de plus en plus censurés.
Kasey Meehan, directrice du programme Freedom to Read de PEN America, affirme : « Cette crise est tragique pour les jeunes qui cherchent à comprendre le monde dans lequel ils vivent et à voir leurs identités et expériences reflétées dans les livres. »
La censure douce en expansion
Le rapport examine aussi un phénomène que l’on appelle « expansion de la censure douce », où des craintes d’une censure réelle poussent les éducateurs à s’autocensurer ou à supprimer des discours au-delà des livres explicitement interdits. Cette censure douce se manifeste lorsque des matériels sont intentionnellement retirés, limités ou jamais acquis, malgré leur pertinence pour une communauté.
Un exemple en est le district scolaire de Cobb County, près d’Atlanta, où plus de 1 600 livres ont été retirés des bibliothèques, y compris de nombreux titres populaires abordant des thèmes sexuels et diversifiés.