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Consolidation et Concurrence dans le Secteur des Banques Canadiennes
« Le marché bancaire au Canada est souvent perçu comme peu concurrentiel, et cette situation ne semble pas prête à s’améliorer », a commenté Claire Célérier, titulaire de la chaire de recherche du Canada en finances des ménages à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto. Elle anticipe une augmentation des consolidations dans ce secteur.
Ce constat fait suite à l’acquisition de HSBC Canada par RBC pour un montant de 13,5 milliards de dollars (G$) en mars dernier. De plus, la Banque Nationale est actuellement en phase d’achat de la Banque canadienne de l’Ouest pour un montant de 5 G$.
Impact sur la Concurrence des Frais
La disparition de ces deux acteurs de taille intermédiaire diminue encore davantage le nombre de concurrents importants sur un marché déjà dominé par six grandes banques. Wealthsimple, quant à elle, continue sa montée en puissance, ayant récemment annoncé détenir plus de 50 G$ d’actifs, un chiffre doublé par rapport à l’année précédente et multiplié par sept au cours des cinq dernières années.
Cette croissance rapide a conduit le directeur général Michael Katchen à déclarer que Wealthsimple est maintenant la « première et la seule solution de rechange crédible aux grandes banques au Canada ». L’entreprise se distingue par ses faibles frais, offrant des transactions sans commissions et des taux de gestion d’investissement réduits à travers une gamme de produits en pleine expansion, répondant ainsi à un besoin croissant sur le marché.
« Avec la sortie des acteurs de taille intermédiaire, la concurrence s’affaiblit, ce qui se traduit par des frais plus élevés pour les Canadiens », a souligné Michael Katchen.
Une Réalité Concurrentielle Discotée
Les grandes banques soutiennent que le marché est intensément concurrentiel, notamment dans le domaine des taux hypothécaires. Cependant, une étude réalisée par North Economics en mars a révélé que les Canadiens pourraient payer plus de 7 G$ par an en frais excessifs. Ce chiffre a été estimé en comparant les résultats financiers des cinq grandes banques canadiennes avec ceux de leurs homologues au Royaume-Uni et en Australie, où les frais liés aux comptes et autres services bancaires sont généralement moins élevés, voire gratuits.
Dans des pays comme le Royaume-Uni, les consommateurs bénéficient de régulations proactives, favorisant une transition simplifiée entre comptes, avec pour obligation pour les banques de transférer toutes les données nécessaires.
Cependant, au Canada, peu de signes indiquent qu’une telle simplification pourrait voir le jour. Des concurrents tels que la Banque EQ choisissent d’inciter les consommateurs à une transition progressive.
Stratégies des Banques de Taille Moyenne
« Nous cherchons à rendre ce processus aussi sans risque que possible pour les clients, leur permettant d’ouvrir un compte tout en maintenant leur ancien compte », a déclaré Andrew Moor, directeur général de la Banque EQ. Cette banque propose également des taux d’intérêt plus élevés pour les clients ayant transféré leur salaire, un arguent qui semble séduisant.
Récemment, EQ a lancé un compte d’épargne à préavis, offrant des taux d’intérêt accrus lorsque les utilisateurs acceptent d’annoncer leurs retraits au moins 10 ou 30 jours à l’avance. Une initiative qui vise à répondre aux besoins des petites entreprises a également été mise en place.
La Dynamique du Marché Bancaire
Cependant, la banque Laurentienne, un acteur plus modeste, a vu ses actifs croître de seulement 7 %, atteignant 47,5 G$. Après avoir entrepris une restructuration importante, il reste à déterminer si cette banque pourra gagner une traction significative sur le marché.
« Il demeure difficile de prévoir quel sera l’avantage concurrentiel durable de la Banque Laurentienne », note Nigel D’Souza, analyste chez Veritas Corp.
D’autres petits établissements, tels que la Banque Manuvie et ATB Financial, n’ont enregistré des croissances que modestes depuis 2019, tandis que des institutions comme Desjardins ont connu un essor notable, avec une augmentation de 43 % pour atteindre 444 G$.
Défis et Perspectives pour les Petites Banques
Les petites banques font face à des défis croissants pour collecter des fonds, notamment en offrant des taux d’intérêt plus élevés pour attirer des dépôts. De plus, elles doivent maintenir un niveau de fonds propres plus conséquent, étant perçues comme moins stables que les grandes institutions.
La perception de sécurité influence également la volonté des clients à déposer des montants supérieurs à 100 000 $ couverts par l’assurance gouvernementale. Wealthsimple a contourné cette contrainte en plaçant les fonds de ses clients en fiducie auprès de plusieurs banques, permettant ainsi d’atteindre jusqu’à 500 000 $ de dépôts assurés.
Malgré ces démarches, les préoccupations concernant la stabilité persistante ainsi que d’autres obstacles, comme le manque de réseaux de succursales et une échelle réduite, compliquent la conquête de parts de marché pour ces banques de taille intermédiaire.
« Nous avons toujours anticipé davantage de consolidations dans le secteur bancaire canadien, car les grandes institutions disposent d’avantages concurrentiels structurels », conclut Nigel D’Souza. Cette consolidation pourrait potentiellement réduire les frais bancaires, grâce aux économies d’échelle réalisées.
Une Tendance à Long Terme
Claire Célérier souligne que la concentration des marchés bancaires est une tendance mondiale qui touche pratiquement tous les pays. « Les marchés bancaires deviennent de plus en plus concentrés, et cela se produit presque partout », observe-t-elle.
Ainsi, les banques canadiennes continuent d’évoluer dans un paysage concurrentiel complexe, où les consolidations et les innovations demeurent au premier plan des préoccupations économiques.