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Apprentissage en France : entre réformes et défis économiques
Longtemps, la France a cherché à rattraper le modèle d’apprentissage des Allemands et des Suisses. Ce système, réputé pour ses avantages, a été perçu comme une nécessité pour aider les jeunes à accéder à l’emploi. Dans le passé, l’alternance était souvent considérée comme un choix de dernier recours, réservé aux élèves en difficulté scolaire.
Les débuts de la réforme de l’apprentissage
Il y a trente-sept ans, le gouvernement français a décidé d’appliquer la théorie du ruissellement à l’apprentissage, en l’ouvrant à l’enseignement supérieur. Cette stratégie visait à valoriser toutes les formations, du CAP coiffure jusqu’au diplôme de l’Essec.
La réforme de l’apprentissage de 2018 a constitué un tournant majeur. Pour dynamiser une filière encore en difficulté, cette loi a assoupli les limites d’âge (passant de 26 à 30 ans) et libéralisé le financement de l’alternance selon un principe de « coût-contrat ». Les centres de formation des apprentis ont commencé à recevoir une subvention forfaitaire pour chaque contrat signé, avec des aides pouvant atteindre jusqu’à 8 000 euros en 2022 pour les entreprises embauchant des apprentis. Ce soutien a contribué à des résultats records dans ce secteur.
Une augmentation significative du nombre d’apprentis
À la fin de l’année 2023, le cap du million d’apprentis a été franchi, une hausse impressionnante par rapport aux moins de 440 000 apprenants en 2018. De plus, une majorité des étudiants choisissent désormais l’apprentissage après le bac, avec six sur dix optant pour cette voie.
Les limites du système actuel
Cependant, cette belle évolution s’accompagne de critiques. La générosité de cette politique présente des limites, comme en témoignent les comptes de France compétences, organisme chargé de financer l’apprentissage, qui ont rapidement affiché un déficit.
De nombreux chercheurs soulignent le non-ciblage des aides et les effets d’aubaine qui en résultent, notamment pour les apprenants du supérieur qui n’ont pas autant besoin de ce soutien financier. En effet, il a été constaté qu’environ 44 % des entreprises auraient de toute façon recruté des alternants, avec ou sans prime.
Un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a également révélé le coût exorbitant de cette politique pour l’État, s’élevant à 22 milliards d’euros en 2022. Par ailleurs, les économistes commencent à douter des bénéfices que l’apprentissage peut réellement apporter en matière d’emploi. Bien que ce système puisse être efficace lorsqu’un CDI en découle, cela ne concerne qu’un tiers des étudiants formés, tandis que les autres se retrouvent sur un pied d’égalité avec ceux ayant suivi un parcours classique.
Vers une meilleure allocation des ressources ?
Face à ces enjeux, faut-il remettre en question l’ensemble du dispositif ? Comme dans d’autres pays, une répartition plus équitable du financement de l’alternance entre employeurs, État et ménages pourrait être envisagée, en dirigeant les aides vers les formations inférieures au bac.
Si l’on considère qu’il est essentiel de soutenir les élèves en difficulté financière, pourquoi ne pas reconsidérer le système des bourses ? Tout ne devrait pas nécessairement passer par l’apprentissage.
Des économies à prévoir dans le budget 2025
Alors que les négociations pour le budget 2025 s’annoncent délicates, l’apprentissage semble être une cible privilégiée pour réaliser des économies. Le Premier ministre a d’ailleurs souligné la nécessité de soutenir cette voie tout en évitant les effets d’aubaine.
Des informations indiquent que le gouvernement Barnier prévoit d’économiser 1 milliard d’euros, notamment en réduisant la prime d’embauche versée aux entreprises, qui passerait de 6 000 à 4 500 euros. Cela soulève des questions sur l’impact de ces restrictions sur les employeurs et sur les apprentis eux-mêmes. De plus, la prise en charge, versée par l’État aux centres de formation des apprentis, pourrait également connaître une baisse significative.
Avec un consensus émergeant à droite comme à gauche pour mettre fin à un financement illimité en matière de formation, l’avenir de l’apprentissage en France se dessine sous des auspices incertains. Michel Barnier remet en question le credo du chef de l’État qui prônait de ne pas toucher à l’alternance, soulignant ainsi les tensions autour de ce sujet crucial pour l’économie française.