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Crise humanitaire escalade à l’est du Congo, millions déplacés
L’est de la République démocratique du Congo est confronté à une crise humanitaire sans précédent ces dernières années. La région, en proie à la violence depuis longtemps, a atteint un point de non-retour en 2024, avec une escalade des affrontements.
Les combats opposent la milice « M23 » et ses alliés d’un côté, et l’armée congolaise soutenue par des forces de l’organisation sud-africaine et des rebelles rwandais, ou « Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda », de l’autre. Cela a entraîné le déplacement de millions de personnes qui se retrouvent dans un besoin urgent d’aide.
Selon les Nations Unies, plus de 7,1 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de la République démocratique du Congo, la grande majorité se concentrant dans les provinces de l’est du pays. Ce chiffre représente près de 10% de la population totale du pays ayant été contrainte de quitter leur foyer.
Le récent assaut mené par la rébellion « M23 » dans le nord de Kivu a entraîné le déplacement d’environ 250 000 personnes au cours des deux derniers mois seulement. Ce déplacement massif a épuisé les ressources disponibles, créant des conditions de vie difficiles et insalubres dans les camps de déplacés.
Femmes congolaises musulmanes attendant de recevoir de la nourriture pour l’iftar pendant le mois de Ramadan au camp de Mugunga pour les personnes déplacées internes, à l’extérieur de Goma dans la province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo. Mars 17, 2024. REUTERS/Arlette Bashizi
Insécurité alimentaire
Les troubles causés par les combats et les déplacements ont eu un impact sur la production et la distribution alimentaire. Le Programme alimentaire mondial des Nations unies estime que plus de 6 millions de personnes dans l’est du pays sont confrontées à une insécurité alimentaire grave, ce qui signifie qu’elles ne sont pas en mesure de satisfaire leurs besoins alimentaires quotidiens.
Le Programme alimentaire mondial met en garde contre le fait que plus de 3 millions d’enfants de moins de cinq ans dans le pays sont exposés au risque de malnutrition, augmentant ainsi leur vulnérabilité aux maladies et au décès. De plus, le système de santé fragile de la région lutte pour faire face à l’afflux de déplacés.
Les fournitures médicales de base sont souvent insuffisantes, et des épidémies telles que la rougeole et le choléra constituent une grave menace.
En ce qui concerne la violence contre les femmes et les enfants, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a signalé une augmentation des violences sexuelles contre les femmes et les filles dans les zones de conflit. De plus, les groupes armés continuent de recruter des enfants, exposant ainsi leur sécurité et leur avenir à des risques.
Cette crise a également créé un grand fossé dans les efforts éducatifs menés par des organisations internationales. Les chiffres recueillis par le groupe de coordination de l’éducation, dirigé par l’UNICEF dans le Nord-Kivu et l’Ituri, montrent que 119 écoles ont été attaquées, occupées ou temporairement utilisées par des groupes armés.
Près de 1700 écoles ont dû fermer leurs portes en raison de l’insécurité persistante. Environ 300 écoles ne peuvent pas fonctionner car elles servent de refuge aux déplacés en raison du conflit.
Obstacles entravant la réponse
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies dirige la réponse humanitaire et coordonne la distribution d’aide par des agences telles que le Programme alimentaire mondial, l’UNICEF et l’Organisation mondiale de la santé, ainsi que par des ONG internationales comme l’International Rescue Committee (IRC) et Save the Children, fournissant des services de base tels que l’aide alimentaire, l’hébergement d’urgence et les soins de santé dans les camps de déplacés.
Cependant, la réponse est confrontée à de nombreux obstacles, notamment l’insécurité due aux combats continus, qui rend difficile l’accès des travailleurs humanitaires aux personnes dans le besoin, en particulier dans les régions reculées contrôlées par des groupes armés.
De plus, la réponse dans l’est est confrontée à une pénurie chronique de financement. En mars 2024, les Nations unies estimaient un déficit financier de plus de 3 milliards de dollars, laissant des millions de personnes sans accès aux aides vitales. Les infrastructures endommagées entravent la fourniture d’aide sur de longues distances, aggravant ainsi la situation.
Racines de la crise
Concernant les racines de la crise humanitaire dans l’est de la République démocratique du Congo, le professeur Ibrahim Musobu, spécialiste de la région des Grands Lacs, affirme que cette crise trouve ses origines dans une combinaison complexe de facteurs politiques, économiques et sociaux.
Musobu souligne que le conflit est alimenté par la compétition pour les ressources naturelles précieuses et rares dans l’est du Congo, notamment des minéraux tels que l’or, le coltan, le cobalt, les diamants et le cuivre, abondants dans la région. Les groupes armés exploitent ces ressources pour les vendre sur les marchés internationaux afin de financer leurs activités violentes, créant ainsi un « cycle de violence brutale et d’instabilité ».
De plus, le professeur Musobu, ancien doyen de la Faculté d’Économie et de Gestion de l’Université de Rondas, souligne que « les injustices historiques, les tensions ethniques et la faiblesse des structures de gouvernance contribuent à l’aggravation du conflit et à sa perpétuation. Des décennies d’instabilité politique, de corruption et de marginalisation délibérée de certaines communautés ethniques ont provoqué un mécontentement et une résistance armée contre le gouvernement central de Kinshasa ».
L’héritage colonial, en particulier les frontières arbitraires dessinées par les puissances européennes, a également attisé les tensions entre les différentes communautés ethniques et régionales, selon Musobu, qui souligne que les allégations de violation des droits de l’homme par les forces armées et de sécurité gouvernementales sapent la confiance et la coopération avec les communautés locales, compliquant ainsi les efforts de consolidation de la paix et de stabilité.