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Nour avait 18 ans lorsque des hommes de Daech ont pris le contrôle de Raqqa, transformant ce bastion de la Révolution anti-Assad en capitale de l’État islamique. Les habitants ont été confrontés à des exécutions à ciel ouvert, à la spoliation de leurs biens et à des bombardements incessants. Bien que la jeune femme ait traversé ces épreuves, elle en est ressortie plus forte.
Une rencontre révélatrice
Nour (prénom modifié) est arrivée dans un café de Raqqa, un soir d’août 2021, accompagnée d’une amie qui n’a pas pris la parole. Nour, en revanche, a partagé son histoire avec une franchise étonnante. Ensemble, mon confrère Noé Pignède et moi-même, nous avions demandé à nos fixeurs de nous aider à rencontrer des jeunes femmes pour discuter d’amour et de tendresse, des sujets souvent négligés dans les récits de guerre.
Un symbole de résilience
Aujourd’hui âgée de 29 ans, Nour irradie la liberté. Elle incarne l’assurance des femmes syriennes qui ont connu la violence depuis 2011, année où le soulèvement pacifiste a dégénéré en conflit long et tragique. Plus de 400 000 morts et des milliers de condamnations internationales n’ont pas eu d’effets significatifs. En 2024, Bachar al-Assad reste au pouvoir, indéboulonnable.
Question d’amour
Lors de notre première rencontre, Nour m’a posé une question déroutante : « Vous, vous avez déjà aimé ? » Sa curiosité soulignait un manque d’expérience de l’amour en raison de l’emprise de Daech sur sa jeunesse. « Daech m’a volé ma jeunesse », a-t-elle déclaré, regrettant de ne pas avoir eu l’opportunité d’apprendre à aimer comme d’autres adolescents.
Le noir, couleur du niqab
Nour vit avec son père dans un appartement familial au milieu des ruines laissées par les bombardements de 2017. Le noir, symbole des contraintes imposées par Daech, a disparu de son dressing, remplacé par des vêtements colorés qu’elle achète avec fierté. « Marcher avec le niqab, c’est une humiliation. Vous ne savez pas où vous mettez les pieds », raconte-t-elle avec dégoût.
Des souvenirs douloureux
En 2015, Nour a été arrêtée par les hommes de Daech, soupçonnée d’espionnage. Elle a été emprisonnée dans une cellule de un mètre carré. Après neuf heures d’interrogatoire, elle a été relâchée, mais cet épisode fait partie de son passé qu’elle préfère occulter.
Une passion pour le dessin
Nour garde précieusement un carnet de dessins, témoignant de son besoin d’évasion pendant la période de Daech. « Dessiner m’a permis de m’évader de cette terreur. C’était ma bulle », explique-t-elle en feuilletant les pages. Elle a dessiné son frère, un activiste exilé en Turquie, et exprime à quel point il lui manque.
Un avenir incertain
« Je suis restée par amour pour ma ville », déclare Nour en réfléchissant à son passé. Malgré les menaces et les violences, elle continue de rêver d’un avenir meilleur. Les souvenirs des atrocités vécues sont toujours présents, mais elle s’accroche à l’espoir de reconstruire sa vie après tant de pertes.