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Retour des réfugiés syriens en Europe : des doutes persistants
La Financial Times rapporte que de nombreux politiciens en Europe estiment qu’il est temps pour plus d’un million de réfugiés syriens de retourner dans leur pays d’origine suite à la chute du président Bachar al-Assad. Cependant, les Syriens affirment que la situation est plus complexe que cela.
Fuyant la guerre qui dure depuis 13 ans, les Syriens ne croient pas que le moment soit propice pour rentrer, en raison des incertitudes politiques qui entourent le pays après la chute du régime d’Assad, ainsi que des dégâts considérables subis par les infrastructures et les habitations, rendant de nombreuses régions inhabitées.
Les voix des réfugiés
Un réfugié nommé Omar al-Hajjar, âgé de 54 ans et travaillant dans le bâtiment à Alep, l’une des 970 000 Syriens vivant en Allemagne, a déclaré que ceux qu’il connaît souhaitent attendre, car « la situation en Syrie est extrêmement difficile ».
L’Allemagne et la question des réfugiés
L’Allemagne est le pays d’accueil le plus important de l’Union européenne, ayant ouvert ses portes en 2015 à un million de demandeurs d’asile, principalement du Moyen-Orient, suite à une décision de l’ancienne chancelière Angela Merkel. Ce sujet devrait jouer un rôle crucial dans les prochaines élections anticipées prévues en février prochain.
Selon le journal britannique, des politiciens du Parti démocrate-chrétien (CDU) et du Parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) ont déclaré, peu après la chute d’Assad, qu’il était temps pour les Syriens de songer à rentrer chez eux.
Les attentes des Syriens
Bien qu’Omar al-Hajjar se réjouisse de la fin de la dynastie Assad, il a précisé que la Syrie a besoin d’un gouvernement et de la construction d’institutions avant que les gens ne puissent envisager de retourner chez eux.
La Financial Times a également noté que l’Allemagne a été le premier pays à annoncer, lundi, la suspension des demandes d’asile des Syriens, suivie rapidement par le Royaume-Uni, la France, l’Italie et d’autres pays de l’Union européenne.
Des désirs contrastés
L’organisation « Pro Asyl », un groupe de défense des droits basé à Francfort, a critiqué le ton des discussions entre les politiciens, les appelant à « assumer leurs responsabilités et à montrer leur solidarité avec les réfugiés, au lieu de les utiliser comme un outil politique ».
À l’opposé, certains Syriens aspirent à rentrer au pays le plus tôt possible. Parmi eux, des militants de la communauté souhaitent participer à la construction de l’avenir de la Syrie. Jomana Saif, 54 ans, avocate et militante des droits de l’homme vivant à Berlin depuis 2013, a déclaré que beaucoup dans son entourage brûlent de rentrer, se posant la question : « Quand allons-nous rentrer ? ».
Cependant, elle a exprimé ses inquiétudes concernant la domination de Hay’at Tahrir al-Sham, qualifiée par la Financial Times de mouvement islamique et de groupe armé d’opposition le plus puissant ayant mené la lutte contre le régime d’Assad.
Un avenir incertain
Elle a exprimé le souhait de lutter « pour réaliser notre rêve de bâtir un État démocratique moderne, qui protège les droits de l’homme et garantit l’égalité pour tous, y compris les femmes ».
Le vice-ministre de l’immigration chypriote, Nicolas Ioannidis, a déclaré que 60 Syriens avaient retiré leurs demandes d’asile à Chypre, citant la naissance d’un « nouveau jour plein d’espoir » dans leur pays d’origine.
Néanmoins, d’autres Syriens à Chypre sont hésitants à retourner, comme Thabet Abbara, le président de la communauté « Syrie libre », qui considère que le retour pour l’instant serait « une erreur fatale », soulignant qu’il « n’y a ni État, ni police, ni armée, et qu’Israël a pris possession de certaines régions de Syrie ».
Préoccupations en Europe
À Rome, Shada Saqr, propriétaire d’un restaurant, a déclaré qu’il était prématuré de dire que les Syriens souhaitaient rentrer. Elle a affirmé que les réfugiés chrétiens, en particulier, sont « nerveux », se demandant : « Pourquoi retourner maintenant ? Vers l’inconnu ? ».
Environ 160 000 Syriens détiennent un passeport allemand, ce qui laisse les autres vulnérables à une éventuelle annulation de leur statut de réfugié à l’avenir, bien que beaucoup d’entre eux aient également des demandes en cours pour obtenir la nationalité.
Thomas Oberhauser, président de la Commission sur le droit des migrations à l’Association des avocats allemands, a averti que le gouvernement allemand doit d’abord prouver que la Syrie est un pays sûr qui protège les droits des groupes ethniques et religieux, ajoutant que le moment n’est pas propice pour discuter de leur retour.
Certains mettent également en garde contre des implications inattendues qui pourraient affecter l’Allemagne, déjà confrontée à une pénurie de main-d’œuvre. L’Association allemande des hôpitaux et l’Association allemande des médecins spécialistes ont souligné que les Syriens représentent la plus grande part des médecins étrangers dans le pays, et leur départ aurait un impact significatif sur le système de santé allemand.