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L’intrication quantique des quarks top : une découverte au CERN
Une des prévisions les plus surprenantes de la physique est l’intrication quantique, un phénomène où des objets peuvent être éloignés l’un de l’autre tout en restant liés. Les exemples les plus connus d’intrication concernent de minuscules morceaux de lumière, appelés photons, et se manifestent à faibles énergies.
Récemment, l’expérience ATLAS, réalisée au Grand collisionneur de hadrons (LHC) à Genève, a mis en évidence l’intrication dans des paires de quarks top, les particules les plus lourdes connues de la science. Les résultats de cette recherche, menés par mes collègues et moi-même, sont décrits dans un nouvel article publié aujourd’hui dans la revue Nature.
Qu’est-ce que l’intrication quantique ?
Dans notre vie quotidienne, nous considérons les objets comme étant « séparés » ou « connectés ». Par exemple, deux balles éloignées d’un kilomètre sont séparées, tandis que deux balles liées par une corde sont connectées. Cependant, lorsque deux objets sont « intriqués », il n’existe aucune connexion physique entre eux, bien qu’ils ne soient pas totalement séparés. En mesurant le premier objet, on peut déterminer ce que fait le second, même avant de l’observer.
Cette notion d’intrication peut rappeler aux fans de la série récemment diffusée The 3 Body Problem, basée sur les romans de Liu Cixin. Dans cette série, des extraterrestres utilisent une petite superordinateur qui interagit avec la technologie terrestre grâce à son intrication avec un jumeau sur leur planète d’origine, malgré une distance de quatre années-lumière.
Cependant, il est important de noter que l’intrication quantique ne permet pas vraiment d’envoyer des signaux plus vite que la lumière, même si cela semble possible en théorie. Tous nos travaux expérimentaux jusqu’à présent confirment cette limitation de la physique quantique.
Les quarks : un aperçu
La matière est composée de molécules, celles-ci sont constituées d’atomes, qui à leur tour renferment des électrons tournant autour d’un noyau lourd, semblable au Soleil dans le système solaire. Nos connaissances sur la structure atomique ont été établies vers 1911. Par la suite, nous avons découvert que le noyau lui-même est composé de protons et de neutrons, et dans les années 1970, nous avons identifié que ces derniers sont formés de particules encore plus petites : les quarks.
Il existe six types de quarks : les quarks « up » et « down » qui forment les protons et les neutrons, ainsi que quatre autres plus lourds. Le quark « top » est particulièrement notable : il est légèrement plus lourd qu’un atome de tungstène et 184 fois la masse d’un proton. L’origine de sa grande masse reste mystérieuse et est un sujet d’étude intense au Grand collisionneur de hadrons.
L’importance de l’intrication chez les quarks top
La question se pose donc : l’intrication quantique rend-elle les quarks top spéciaux ? Probablement pas, car la physique quantique indique que l’intrication est un phénomène courant, pouvant affecter de nombreux types de systèmes. Toutefois, l’intrication est fragile et nécessite des conditions particulières pour être observée. Ainsi, la masse importante du quark top a constitué un laboratoire idéal pour étudier ce phénomène.
Bien que les paires de quarks top ne puissent pas servir à développer une nouvelle technologie accessible, elles offrent un nouvel outil pour les recherches expérimentales. L’intrication elle-même demeure un domaine captivant, et nous continuerons à explorer ses nombreuses facettes.