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En Gambie, des changements significatifs se dessinent autour de la pratique de l’excision, une tradition ancestrale profondément ancrée dans la culture locale. Cet article se concentre sur Yassin Fatty, une figure emblématique de cette lutte contre la mutilation génitale féminine.
Une cérémonie marquante contre l’excision
Il y a des fillettes, assises, nerveuses, dans leur robe toute neuve sous le soleil de l’après-midi. Des musiciens, des gens qui dansent et de grands plateaux de mets. Des couteaux d’un autre temps, fabriqués à la main, et des lames de rasoir flambant neuves. Pour les 30 exciseuses traditionnelles, la cérémonie rappelle les grandes excisions rituelles qu’elles et leurs ancêtres organisaient depuis des siècles dans les forêts de ce petit pays d’Afrique de l’Ouest qu’est la Gambie.
Pourtant, cette fête de 2013 dans la petite bourgade de Wassu est l’exact opposé : les exciseuses sont venues ici proclamer solennellement leur renoncement à cette pratique. L’une après l’autre, elles s’avancent et jurent de ne plus jamais pratiquer d’excision, laissant tomber au sol les couteaux et les lames. Cette cérémonie semble marquer la fin d’une tradition ancestrale, mais aussi la fin d’une tradition effroyable.
Le parcours de Yassin Fatty
Yassin Fatty, présente ce jour-là, sera, dix ans plus tard, en 2023, la première exciseuse gambienne à être condamnée pour mutilation génitale féminine. En 2015, la Gambie a voté une loi interdisant l’excision, mais son application a longtemps fait défaut, et beaucoup de Gambiens continuent de soutenir cette pratique. L’arrestation et la condamnation de Yassin Fatty suscitent une vague de protestations à travers le pays.
Des influences controversées
La trajectoire de Yassin Fatty est marquée par l’influence de deux hommes : un militant anti-mutilations aux motivations troubles et un imam célèbre qui prône la légalisation de l’excision. Ce contexte complexe rend la lutte contre cette pratique encore plus délicate.
Rencontre avec Yassin Fatty
En juillet 2024, nous nous rendons dans la campagne gambienne pour rencontrer Yassin Fatty. À midi, nous la trouvons endormie, allongée à l’ombre sur une natte, dans la ferme familiale du village de Bakadaji. À 96 ans, elle mérite bien une petite sieste.
Lors de notre discussion, entourée de son fils et de plusieurs petits-fils, elle déclare : *“Maintenant, ma seule tâche, c’est de manger”*, avant de demander à sa fille adoptive quand sera son prochain repas.
Tradition et croyances
À Bakadaji, un village soudé de la région de la Rivière centrale, les filles sont excisées depuis des générations. Yassin Fatty a fait partie des milliers d’exciseuses pratiquant cette activité. L’excision, qui consiste à retirer le clitoris et une partie des petites lèvres, est perçue par une partie de la population comme une nécessité pour préserver la pureté des filles, souvent considérées comme impures si elles ne sont pas excisées.
Perspectives familiales
Assis sur le sol de terre battue, un de ses petits-fils, Abdoulaye Cham, déclare que les filles sont également excisées pour les empêcher de tromper leur mari : *“Beaucoup de jeunes hommes doivent voyager et laisser leur épouse à la maison”*, ajoute-t-il. Cette perspective souligne les pressions culturelles et les justifications qui entourent l’excision dans cette région.