Comment la France s’entraîne à se défendre face aux menaces spatiales de Russie et d’ailleurs

Lors de l'exercice AsterX à la Cité de l?espace à Toulouse, qui simule les menaces spatiales.
Lors de l’exercice AsterX à la Cité de l?espace à Toulouse, qui simule les menaces spatiales. — B. Colin / 20 Minutes
  • Durant six jours le Commandement de l’Espace français a mené depuis la Cité de l’Espace, à Toulouse, un exercice de simulation de menaces spatiales.
  • Prévu de longue date, cet exercice lancé le jour de l’invasion de l’Ukraine a pour objectif de tester – et montrer – les capacités françaises à répliquer.
  • Si on n’est pas encore dans une configuration de guerre spatiale, des signaux de menaces se multiplient, à l’instar de cette cyberattaque, certainement russe, dont a été victime un satellite privant de connexion l’Ukraine.

Un satellite rouge de l’Etat Piros a été lancé et mis en orbite dans le plus grand secret, avant de se rapprocher dangereusement d’un satellite d’observation militaire français qu’il risque de percuter volontairement. Ne cherchez pas Piros sur la carte, cette nation belliqueuse n’existe pas. Mais le scénario catastrophe, au cœur de l’exercice de simulation de menaces spatiales AsterX, semble bien réaliste lui. Cette guerre des étoiles virtuelle, version XXIe siècle, s’est déroulée durant six jours à la Cité de l’Espace à Toulouse. Lancé le 24 février, le jour même de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cet entraînement était prévu de longue.

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Mais à l’aune de cette actualité et des tensions internationales qui en découlent, il prend tout son sens. D’autant que la bataille a d’ores et déjà été lancée au-dessus de nos têtes. Dès jeudi dernier, des milliers de clients d’opérateurs se trouvaient privés de connexion Internet par satellite.

Les actions hostiles se multiplient

Le satellite Viasat a été l’objet d’une cyberattaque, privant l’accès à des communications satellitaires de certaines zones en Europe, en particulier l’Ukraine. Ce qui a conduit le pays de Zelensky a demandé de l’aide à Elon Musk.

« Nous faisons face aujourd’hui à des conflits hybrides qui se déroulent dans le champ cyber, dans le champ informationnel et dans le domaine spatial. Les tentatives d’interférence sont nombreuses et les actions hostiles se multiplient. Notre défense se joue dans tous ces milieux, il est essentiel que nous les maîtrisions pour garder notre supériorité opérationnelle. Car la France, comme l’Europe, est fermement opposée aux saccageurs de l’Espace », a fait valoir Florence Parly, la ministre des Armées.

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Ni elle, ni le commissaire européen Thierry Breton en charge de ces questions, ou les représentants des 27 pays étrangers présents à Toulouse, n’ont caché qu’AsterX était aussi un moyen de montrer aux agresseurs potentiels que la France et l’Europe ont du répondant. Qu’ils étaient prêts à affronter toutes les situations et à jouer collectif.

Surtout, quand on sait que la menace n’est plus vraiment de l’ordre du scénario. En novembre, la Russie n’a pas hésité à détruire l’un de ses satellites avec un missile tiré depuis la Terre et polluer ainsi l’espace de milliers de débris « dans une volonté de faire une démonstration de force », relève la ministre. Et c’était loin d’être une première pour Moscou.

Des précédents russes

Car si en matière d’exploration spatiale, la coopération entre le régime du Kremlin et l’Europe était jusqu’à ces derniers jours assez bonne, c’était loin d’être un long fleuve tranquille dans d’autres domaines spatiaux. Il y a quelques années le satellite espion russe Lutch-Olymp s’était approché d’un peu trop près d’un satellite de télécoms franco-italien Athena-Fidus.

Ces menaces dans l’espace exoatmosphérique, quelles que soient leurs origines, sont loin d’être quantité négligeable. « Ce sont des choses que nous observons de plus en plus fréquemment. Lorsque le président de la République a demandé l’élaboration de cette stratégie, nous avions des signaux faibles, nous commencions à avoir des comportements anormaux, des choses un peu étranges », souligne le général Michel Friedling, à la tête du commandement de l’Espace. Après Luch-Olymp en 2018, et qui continue son activité en orbite géostationnaire, il y a deux les deux tirs de missiles anti-satellites de l’Inde en 2019, puis des Russes fin 2021. « Nous avons eu également un certain nombre d’activités en orbite géostationnaire par d’autres nations. Il y a eu des actions de harcèlement effectuées par les Russes en orbite basse vis-à-vis des Américains entre 2019 et 2020. Entre 2019 et 2022, la variété de ces événements s’est élargie et le nombre et le risque ont augmenté », poursuit le militaire pour qui « l’espace n’est pas encore un champ de bataille, mais une zone grise ».

Car à des dizaines de kilomètres au-dessus de nos têtes, « il est parfois difficile de caractériser très précisément ce qu’y font les gens, qui ils sont et quelles sont leurs intentions », insistent le patron du Centre de commandement de l’espace. Si les conflits n’y sont pas encore ouverts, chacun y pousse ses pions. Surtout en période de tensions. Car aujourd’hui, dans n’importe quelle guerre, les satellites jouent un rôle fondamental pour fournir des informations sur la position des troupes ennemies. Il est aussi crucial pour le quotidien des populations civiles.

« Cet espace est essentiel mais il est de plus en plus contesté » selon Florence Parly

« Le spatial c’est vital pour nos économies et vital pour notre défense. Si nous avons pu réaliser en 2018 l’opération Hamilton de frappes contre les installations chimiques en Syrie c’est parce que nous avons des satellites d’observation, de télécommunications et de navigation. Sans ces capacités, il n’y aurait pas eu d’opérations. Dans ces conditions, l’espace exoatmosphérique est vital pour nos opérations militaires. Cet espace est essentiel mais il est de plus en plus contesté. Notre présence ici est de réaffirmer l’absolu nécessité de notre autonomie stratégique, la crise en Ukraine nous renforce dans cette conviction », a rappelé Florence Parly, la ministre des Armées.

Collision, laser, brouillage telecoms

Aidés par les équipes du CNES et des industriels du secteur spatial, près de 130 hommes ont donc « joué » à déjouer les attaques. Ils ont testé leur capacité à contrer des brouillages télécoms réalisés par des navires ennemis, à gérer la fragmentation d’un satellite, le risque de collision ou encore un laser qui vient griller la lentille d’un satellite.

Au total seize événements spatiaux qu’il a fallu gérer, tout en limitant leurs conséquences sur les appareils ou encore les forces en présence au sol. « Les menaces pour lesquelles on s’entraîne, ce sont des menaces présentes et qui pourraient avoir lieu. AsterX nous permet de préparer le personnel opérationnel, d’éclairer l’avenir proche et essayer d’apprendre de nos erreurs », souligne le colonel Guillaume Bourdeloux, commandant de la brigade d’appui aux opérations spatiales qui a dirigé cet exercice. Appelé à se renouveler l’an prochain. Et peut-être avant dans une version bien plus réaliste si la situation s’envenime à l’Est.

Source: 20minutes.fr
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