Le Tour de France à vélo devient la Grande Boucle de l’autobus, avec les transferts entre les étapes
1957 fut la dernière année où le Tour fit réellement le tour de la France, du moins entièrement à vélo. Partie de Nantes pour arriver à Paris 4 665 kilomètres plus loin, et remportée par Jacques Anquetil, la 44e édition de la Grande Boucle ne comportait aucun transfert. Autrement dit, à chaque étape, la ville d’arrivée était aussi la ville de départ, et les coureurs n’étaient pas amenés en bus – ou en avion – d’un point à un autre.
Les Tour du XXIe siècle, à l’inverse, usent et abusent des transferts : en moyenne 1 382 kilomètres à vol d’oiseau (et 1 839 kilomètres par la route), quand, du premier Tour en 1903, à 1939, les 33 premières éditions n’ont connu que deux transferts (pour un total de… 400 kilomètres par la route en 1904 et en 1906) – pour des étapes qui dépassaient souvent 300 km néanmoins. En la matière, l’année 2018 avait jusqu’ici battu tous les records : un tracé de 3 330 kilomètres à vélo pour… 2 740 kilomètres de transfert en bus ou en avion.
À l’image d’un tracé 2021 qui faisait la part belle aux massifs montagneux et qui cherchait en parcourir un maximum, le tracé du Tour de France 2022 fait dans le dénivelé et se place en deuxième position de ceux avec le plus de transferts en bus ou en avion. La 109e édition du Tour ne compte « que » 1 979 km de transferts à vol d’oiseau, soit environ 2 680 km par la route, pour partie due au transfert de 657 km à vol d’oiseau entre Sønderborg (Danemark) et Dunkerque (Nord). La grande boucle 2022 se situe donc dans la moyenne supérieure des transferts du XXIe siècle, de ceux qui usent les coureurs et la caravane.
De 1947 jusqu’à la fin des années 1960, les transferts demeurent modestes : autour de 140 kilomètres de route en moyenne par édition. Et puis à partir des années 1970, comme le rappelait Libération en 2015, la mode était aux « demi-étapes » – deux dans la même journée – ce qui force les coureurs à se lever aux aurores : en 1978, ils feront grève sur la route de Valence-d’Agen (Tarn-et-Garonne), et n’auront plus d’étapes saucissonnées.
Et si le Tour au XXIe siècle a battu tous les records, entre 1980 et 2000, les transferts émargent à 1 200 kilomètres par la route ou l’avion en moyenne, pour atteindre 1 750 kilomètres en 1987. Déjà, il n’est plus tellement question que la ville d’arrivée soit aussi la ville de départ ; pour les coureurs ça veut dire plus de bus, passer entre les mains du masseur plus tard, dîner plus tard, et, in fine, moins bien récupérer.
Pour éviter la déconvenue de 1978 au sein d’un peloton qui sait s’organiser – comme au sein de l’Union nationale des cyclistes professionnels (UNCP) –, les organisateurs du Tour soignent la transition entre les Pyrénées et les Alpes en prévoyant des étapes plus calmes ou même un lundi de repos. Ainsi, pour la 109e édition, celle de 2022, l’organisation a placé non pas deux, comme c’est le cas habituellement, mais trois jours de repos. La première d’entre elles, lundi 4 juillet, après les trois étapes danoises et avant les étapes nordistes éprouvantes (il y a des pavés au programme), la seconde juste après les étapes alpines, et la troisième avant de nouvelles étapes de montagne mais dans les Pyrénées, cette fois.
Source: lemonde.fr