Maladies chroniques : près de 40% des patients estiment ne pas être en mesure de supporter la charge des soins
Une étude scientifique réalisée dans le cadre de ComPaRe, la Communauté de Patients pour la Recherche, a évalué le seuil de « fardeau du traitement » au-delà duquel les soins ne sont plus acceptables par les patients souffrant des maladies chroniques. Plus de 2 400 personnes suivies partout en France ont répondu et les résultats démontrent que c’est le cas pour 38% d’entre eux.
Une maladie chronique est une maladie de longue durée, évolutive qui peut générer des incapacités, voire des complications graves. Celles-ci comprennent des maladies comme l’insuffisance rénale chronique, les bronchites chroniques, l’asthme, les maladies cardiovasculaires, le cancer ou le diabète, des maladies lourdement handicapantes (sclérose en plaques) des maladies rares (mucoviscidose, drépanocytose) ou encore des maladies transmissibles persistantes (sida ou hépatite C). Quelle qu’elle soit, elle détériore la qualité de vie car pour ces patients, le suivi et les traitements réclament tout au long de la vie, médicaments, analyses, consultations et changements de style de vie.
Un suivi complexe qui nécessite donc un investissement particulièrement lourd en temps, en efforts et en attention. Par exemple, il est attendu qu’un patient suivi pour un diabète de type 2 consacre en moyenne 143 minutes par jour à ses soins. En plus du fardeau que constitue la maladie, les patients chroniques doivent donc supporter un « fardeau du traitement », soit l’impact de ce dernier (médicaments, visites médicales, auto-surveillance …) sur leur vie. Pour mieux les soigner, les médecins ont besoin de déterminer ce qui constitue un « fardeau du traitement » acceptable pour leurs patients : les soignants peuvent ainsi prévenir une forme d’épuisement des patients face à leurs traitements.
Médicaments, analyses, consultations…
Pour évaluer scientifiquement un seuil acceptable du « fardeau du traitement », une équipe du centre d’épidémiologie clinique de l’Hôtel-Dieu AP-HP et d’Université de Paris, a mené, en 2018, une étude qui s’appuyait sur la participation des patients à ComPaRe, la Communauté de Patients pour la Recherche. L’objectif de celle-ci est d’apporter les connaissances nécessaires à l’amélioration de la vie des patients et de la prise en charge de leurs maladies. Le but étant de répondre à des questions diverses sur les maladies chroniques, les symptômes, les traitements et leurs impacts ainsi que sur les problèmes posés par la polypathologie (le fait de présenter plusieurs maladies chroniques).
Les chercheurs ont ainsi analysé les réponses plus de 2 400 patients participant à ComPaRe, suivis pour des maladies telles qu’un diabète, un cancer, de l’hypertension, des maladies rhumatologiques, de la dépression… Ils ont été invités à répondre aux questionnaires en ligne sur le fardeau du traitement, pour évaluer plusieurs critères. A savoir la charge que représente la prise des médicaments, l’autosurveillance (prendre soi-même des mesures), les analyses en laboratoire, les consultations médicales, les besoins d’organisation, les tâches administratives, le suivi des recommandations médicales sur l’alimentation et l’activité physique ainsi que les répercussions sociales de leurs traitements.
L’organisation des soins, un critère d’amélioration
Au total, 38% des patients chroniques estiment le fardeau de leur traitement inacceptable, surtout en raison des aspects suivants : les soins réguliers rappelant aux patients leur maladie, le fardeau financier du traitement, le fardeaud’organisation des rendez-vous médicaux et d’analyses et les difficultés dans les relations avec les soignants. « La proportion des patients qui ne supporte pas la charge de leurs soins est particulièrement élevée quel que soit le contexte ou la maladie. Ces résultats invitent à penser qu’une part importante du « fardeau du traitement » est structurelle et liée à l’organisation des soins », expliquent les auteurs de l’étude, qui fait l’objet d’une publication dans la revue Mayo Clinic Proceedings.
Ces derniers ajoutent : « Les variations d’acceptabilité du fardeau du traitement d’un patient à l’autre posent la question de son évaluation régulière par les soignants. » Dans ce cadre, l’étude ComPaRe a aussi permis de calibrer un outil d’évaluation du « fardeau du traitement » des patients chroniques. Un outil qui pourra être utile aux soignants, aux patients et aux chercheurs dans le cadre des soins, des évaluations qualité et de la recherche clinique. À l’occasion de cette publication, les chercheurs lancent un nouvel appel à la participation des patients suivis pour une maladie chronique au projet ComPaRe. Selon ses chiffres, 20 millions de Français souffrent de maladies chroniques, soit un tiers de la population.
A noter que celui-ci rassemble aujourd’hui plus de 30 000 patients volontaires. Les patients ont le choix de participer à la cohorte générale et/ou à l’une des huit cohortes dédiées à une maladie chronique spécifique : diabète, maladie de Verneuil (maladie de peau chronique responsable d’abcès et de cicatrices), vitiligo, lombalgie chronique, maladies rénales, vascularites, hypertension artérielle et endométriose. Entre mai 2017 et janvier 2018, les participants ont notamment pu répondre à la question : « Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous dans votre prise en charge pour la rendre plus acceptable ? » La plupart des idées portaient sur la qualité des échanges entre médecins et patients.